“En 1898...”
En 1898, l’hebdomadaire La France Automobile présente un "Tracteur à vapeur ou à pétrole s’adaptant à toutes voitures, renfermé dans une enveloppe affectant la forme d’un animal, cheval, cygne, etc.". Le dessin illustrant la chose (voir ci-contre) montre effectivement un cheval avec tous les éléments mécaniques respectant la disposition du quadrupède : moteur dans le ventre, réservoir de carburant dans la tête, échappement... sous la queue. Le moteur, par un système d’arbres et d’engrenages, actionne une roue frottant sur le sol entre les 4 pattes du cheval. Dirigé par des rênes (!), ce "tracteur" a l’avantage "de ne pas effrayer les chevaux tout en offrant un coup d’œil agréable". L’invention digne d’un Robida ou d’un Jules Verne est audacieuse mais n’aura pas de postérité, ce qui est regrettable, on en convient (surtout dans la version “cygne”).
Cependant, l’échec la guettait au moment où les Charron, Osmont, Bardin, Viet et autres Gaetan de Méaulne soulevaient déjà la poussière sur leurs tricycles et bicyclettes à pétrole De Dion, Phébus ou Gladiator en affrontant les Wilfrid, Léon (Bollée), Jamin ou le comte de Laubespin montant les redoutables Léon Bollée. Tous constituent le petit monde des teuffeurs – leurs machines font teuf-teuf – transportant parfois leurs compagnes baptisées caoutchoutées, en raison de leur équipement protecteur à défaut d’être élégant.
Dans peu de temps apparaîtra la motocyclette dont les Werner revendiqueront la paternité. Paternité abusive car si le nom – qu’ils déposent – n’existait pas avant eux, la "vraie" motocyclette est déjà bien là. Dès 1898, Martial Bergeron a présenté sa Pétrolette Oméga avec un moteur au pédalier, dans la position qui sera la sienne pour les temps à venir. Viendront ensuite la Chapelle, la Landru et tant d’autres réalisations personnelles d’architecture semblable, équipées en général d’un De Dion et disparus dans les oubliettes de l’Histoire.
Devenu plus puissant, plus lourd, le tricycle passe de mode tandis que Léon Bollée se dirige vers l’automobile. La motocyclette paraît plus abordable que l’auto, mais c’est encore un luxe pour beaucoup. Outre les professionnels (mécanicienss-charrons-forgerons), les sportifs se laisseront tenter, capables de venir à bout des démarrages les plus laborieux. À côté d’eux, on trouve les amateurs frottés de quelques connaissances mécanique, capables de résoudre les problèmes de démarrages capricieux. Reste une foule de pratiquants exerçant un travail qui exige des déplacements répétés : mèdecins, vétérinaires, représentants de commerce, géomètres, photographes éditeurs de cartes postales, etc. Ceux-là doivent affronter les intempéries, le bétail errant, les chiens vindicatifs, les clous et pointes abandonnés par 1 million 500 000 attelages d’animaux. Les routes sont à peine empierrées puisqu’avant l’automobilisme – que d’aucuns caricaturent en "automaboulisme" – elles étaient bien suffisantes pour les carrioles, chars à bœufs, charrettes qui y faisaient la loi. Et puis, et surtout, il y a les cyclistes, ces pédalards qui sont près d’un million, qu’il va falloir convertir aux avantages de la motorisation.
La France voit alors naître des dizaines puis des centaines de constructeurs de deux-roues dont peu survivront. La position "brevetée" du moteur Werner leur fait d’abord obstacle. Mais l’imagination des inventeurs va contourner ce brevet avant de l’ignorer sans vergogne !
Excepté une poignée d’apôtres du moteur deux-temps (Cormery, Lepape, Ixion, G. Vallière, A. Beausseron), le quatre-temps domine avec soupape automatique d’admission et soupape commandée à l’échappement. La géométrie de la partie-cycle reste "classiquement cycliste" jusqu’à l’apparition des premières suspensions élastiques avant et arrière (Stimula). Reste que l’emplacement du moteur "à la Werner" ne convainc pas. >>>